Tu seras un humain, mon fils

Péface au Testament d'un E.T. libertin

A Joshua, mon fils

Avant de commencer je voudrais répondre à un certain nombre de questions que tu ne vas pas manquer de te poser.

        D’abord, pourquoi t’adresser mon testament à toi seul, alors que, tu le sais bien, suivant ma mission, j’ai pondu plusieurs œufs, dans plusieurs nids. De plus, tu n’es pas le seul à la maison et j’aurais pu m’adresser aussi à ta sœur.

L’idée est simple. Je ne sais pas qui a dit le premier que l’expérience des uns ne sert jamais aux autres. Ce n’est pas une raison de ne pas essayer. C’est ce que font tous les parents, en se désespérant d’ailleurs de ne pas y arriver. Et moi comme les autres. Je me rends compte aujourd’hui à quel point j’étais stupide. Tu vas me dire que tous les vieux trouvent que les jeunes sont des jeunes cons et qu’en disant cela ils prouvent qu’ils sont des vieux cons. Je te ferai remarquer, premièrement que je ne m’exclus pas du lot – et qu’en faisant cela je me distingue du commun des mortel et que donc je sors du lot – deuxièmement que ce n’est pas sympa pour le con, le vrai, celui qui fait que la femme est une femme. Parce qu’un con, c’est beau, c’est sublime, et rien qu’à voir comment ca réagit, c’est vraiment intelligent.

Bon revenons à nos moutons. J’ai donc essayé de transmettre un certain nombre de choses à tes frères et sœurs. Je suis très loin d’avoir réussi comme je l’aurais voulu. J’espère simplement leur avoir donné, en plus de mes gènes, quelque chose  de différent, une capacité à remettre les choses en question. Pour toi et ta sœur j’essaye de donner un peu plus. Chaque jour j’essaye de transmettre quand même cette expérience. Chaque jour, ta sœur me prouve que ce n’est pas complètement désespéré et elle m’étonne par son jugement, j’allais dire par sa sagesse. Elle est pour moi, comme ses ainés malgré tout, un très grand sujet de fierté. Le jour où tu liras ces lignes j’espère bien avoir eu le temps de lui communiquer tout ce que j’ai envie de lui dire et c’est la raison pour laquelle ce livre ne lui est pas dédicacé. Mais toi, à cinq ans, tu as beau tout savoir des plaques tectoniques et des planètes telluriques, tu es encore trop jeune pour que je t’ennuie avec des considérations philosophiques ou sociologiques, même venant d’un amateur. Plus je vieillis, plus je découvre de choses et mieux je comprends quelle était vraiment ma mission – nul doute que si je publiais ce livre de mon vivant, je me retrouverais enfermé pour délire paranoïaque – et plus j’ai envie de vous faire comprendre tout ce que j’ai appris. Le temps presse : je pourrais être non seulement ton grand-père mais aussi ton arrière-grand-père. Combien de temps me reste-t-il à vivre ? Assez je l’espère pour coucher sur le papier ce que je n’aurais pas le temps de te dire : « Ça veut dire quoi être humain ? ». En attendant, continue à dévorer toutes les connaissances dont tu es avide, mais surtout, n'oublie pas de profiter de ton enfance et de jouer : les terriens ne jouent pas assez.

Ton père, Pierre Otchick