26/01/2014
Goulaï-Polié, l'Ukraine, hier et aujourd'hui
Peuple indompté !
Quand on voit les ukrainiens dans la rue, on ne peut s'empêcher de penser à leur fier passé. Oyez, oyez, braves gens, femmes et enfants, la belle et triste histoire des paysans de Goulaï-Polié. Joli nom digne d'un conte de fée. Qui réalisera le film racontant leur double épopée. Tu veux un scénario? Je t'en propose un.
Décembre 1917. Lénine veut "la paix à tout prix". Il signe un armistice suivi, quatre mois plus tard, d'un traité de paix par lequel il cède l'Ukraine aux austro-allemands. Ce territoire est convoité pour son blé et déjà pour son industrie. Cela n'est pas du gout des Ukrainiens. Ils sont en pleine révolution et ne supporte pas le joug étranger.
Ils avaient déjà pris les armes en février 1917. Car, ne l'oublions pas, la révolution russe a eu lieu en février. En octobre, ce n'est qu'un coup d'état du parti bolchevique1. Donc, en septembre – premier flash-back – les paysans exproprient les gros propriétaires terriens. Logements et terres sont redistribués, y compris aux anciens propriétaires. Sans effusion de sang. Cela ne durera malheureusement pas (pendant la guerre, bandits et traitres seront exécutés sans jugement). Les paysans s'étaient organisés et, avec les ouvriers et les soldats, ils avaient crée des soviets. Des vrais, pas aux mains du parti, mais sur une base égalitaire et réellement démocratique et surtout, indépendants de tout pouvoir politique. Les ateliers sont eux aussi expropriés. Le rêve quoi ! La production s'organise. J'ai entendu parler d'un troc énorme. Par trains entiers : blés, produits manufacturés s'échangent entre l'Ukraine et Moscou. Bref, sur une région de 300 km de diamètre, plusieurs millions d'Ukrainiens vivent dans une société libertaire. Je vous ai dit : le rêve.
Rêve brisé par la guerre. Et c'est la deuxième épopée. Les Ukrainiens n'acceptent pas le traité de paix. Ça ne te rappelle rien ? À bord de voitures légères, aux ressorts légendaires, tirés par des chevaux rapides, ils parcourent 60 et jusqu'à 100 km par jour. Les soldats, rien que des volontaires, débarquent tout frais sur le champ de bataille, en même temps que la cavalerie2. Avec l'aide épisodique de l'armée rouge de Trotski, ils infligent de lourdes pertes, successivement aux austro-allemands et aux russes blancs qui n'acceptent pas la révolution3. Ces derniers se réfugient en Crimée, réputée inviolable grâce à son isthme et à son accès marécageux. Les ukrainiens profitent du gel pour franchir ces marécages et, sous la direction de son général, et de ses officiers, élus par les soldats, rejettent les russes blancs à la mer. Ce général, un certain Makhno, est lui aussi, un être de légende4.
Deuxième flash-back. À Goulaï-Polié, nous y arrivons. Cette grosse bourgade est dans la région des cosaques zaporogues. Mais oui, tu sais bien, cette ethnie qui a donné naissance au personnage de Tarass Boulba ! 1889, des paysans pauvres donnent naissance à un beau garçon – on dit toujours un beau garçon dans les contes de fées. Ce beau garçon se nomme Нестор Іванович Махно. Oh, pardon : Nestor Ivanovitch Makhno. Très vite orphelin de père il travaille dès sept ans tout en allant à l'école en hiver. Il participe activement à la révolution de 1905 et se retrouve vite en prison. En 1910 il est condamné à mort puis à la prison perpétuelle. Il y rencontre Archinov et l'anarchisme. Il lit Bakounine et Kropotkine. Libéré par la révolution en février 1917, il retourne à Goulaï-Polié où il prend une part active afin d'orienter cette dernière dans un sens libertaire.
La guerre le voit à la tête d'une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes. Il connait les succès que l'on sait, non sans de nombreuses et graves blessures. Il accepte la coopération avec l'armé de Trotski, mais refuse l'autorité de Lénine. Les anarchistes sont interdits puis emprisonnés. Au retour de Crimée, son armée, la Makhnovchina est massacrée par l'armée rouge. Makhno réussit à fuir à l'étranger. Il mourra en France en 1935.
Pierre Otchick.
1 Lire La révolution inconnue, Voline.
3 Lire La Makhnovchina
22:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.