La statue de la liberté, Pulitzer et le suicidaire

Est-ce une intervention de Mère Nature ou une conséquence de la télépathie inhérente à tout extraterrestre, mais hier, j'ai éprouvé un besoin impérieux de téléphoner à Jean-Paul. Jean-Paul est un ami très cher qui préfère la bonne vieille lettre au coup de fil. Sans TV, sans ordinateur, sans téléphone mobile, résolument ennemi du progrès, son téléphone fixe est sa seule concession. Je l'ai trouvé au bord du suicide. Seul, sans travail, refusant de s'intégrer à un monde artificiel où les "amis" sur Face-Book remplacent les vrais amis, cultivé et raffiné, il déplore la pensée unique faite du culte de la consommation, de l'argent, de la réussite personnelle. L'évolution du monde moderne lui parait suicidaire et il préférerait en finir avant le cataclysme mondial. J'aurais voulu lui expliquer que le responsable n'est pas le progrès mais le terrien qui ne sait pas s'en servir. Le progrès n'est qu'un outil. Sa valeur est celle de la main qui s'en sert. Mais confie-t-on un rasoir à un enfant ? Les terriens sont des enfants qui se servent du progrès pour leur propre perte. Devant ce constat je n'ai pas pu lui remonter le moral et, la mort dans l'âme, je me suis légumé devant ma TV.

Heureusement, Mère Nature était là. Sur Arte, l'histoire de la statue de la liberté m'a passionné. Elle a bien failli ne jamais voir le jour. Il a fallut une incroyable conjonction de facteurs positifs pour qu'elle s'érige. L'idée et l'idéal démocratique d'Édouard de Laboulaye, la mégalomanie, la ténacité, le sens de la publicité d'Auguste Bartholdi, le génie de Gustave Eiffel... Mais ce qui m'a le plus frappé, c'est le rôle joué par Joseph Pulitzer. Sa campagne de presse a récolté 100.000 dollars. 120.000 donateurs, soit moins de 85 cents par personne !

Tu vas me dire que cet élan était exceptionnel. Pas du tout ! Pas plus tard que ce matin, France 5 a raconté l'histoire du Chêne de Flagey, le tableau de Gustave Courbet qui a regagné sa maison natale grâce à des milliers de donateurs, souvent anonymes. Non, Jean-Paul, il ne faut pas désespérer des terriens. Ils sont capables du pire... et du meilleur. Un petit peuple capable de se cotiser pour une statue ou pour une toile – quoi de plus "inutile" qu'une œuvre d'art ! - est capable de se mobiliser pour une grande cause. Il suffira d'une étincelle, un Politzer ou autre, pour déclencher le changement. Il aura lieu et il enfantera un nouveau monde. Dans la douleur, probablement, malheureusement, mais il aura lieu. Attends un peu avant de te suicider. Nous ne verrons peut-être pas ce changement, mais regarde bien, nous en voyons les prémices.

Pierre Otchick.

En Suisse, victoire de la démocratie !

C'est Nicolas Dupont-Aignan qui l'a dit. La limitation de l'immigration l'a emporté avec 50,23% des suffrages ! Magnifique victoire en effet ! Un tel score suffit à lui tout seul à condamner la démocratie. Les terriens aiment vraiment jouer leur avenir à la roulette russe. Ce 2‰ oblige les suisses à renégocier tous les accords avec l'Europe – c'est la fameuse clause de guillotine : si on refuse la libre circulation, tout tombe. Imposer des quottas risque de créer une pénurie de travailleurs frontaliers, de médecins allemands, et j'en passe... Cela s'appelle se tirer une balle dans le pied.

Je ne devrais pas m'étonner. Il est connu que les périodes de crise favorisent les replis identitaires. Il faut des boucs-émissaires. Haro sur l'étranger ! On remonte 80 ans en arrière. Merci à l'Europe et à sa politique d'austérité.

Pierre Otchick

L'Uruguay a légalisé le cannabis

C'est une petite victoire dans la lutte contre la prohibition. Cette prohibition qui tue plusieurs milliers de personnes chaque année – ne serait-ce qu'au Mexique – soit bien plus que les victimes causées par la consommation de toutes les drogues. En 1971, Nixon avait déclaré la guerre à la drogue. Il est temps de reconnaître que cette guerre est perdue. C'est ce qu'a fait José Mujica, le président de l'Uruguay, ce chef d'état qui boude le palais présidentiel et vit dans une petite maison au cœur de la population. Depuis le 23 décembre¹ il est possible dans ce pays de cultiver et de consommer du cannabis. Cela coupe l'herbe sous le pied des trafiquants. Ils ne pourront plus proposer des drogues dures au fumeur d'herbe et cela va diminuer la consommation des drogues les plus dangereuses. C'est déjà le cas aux Pays-Bas où l'on peut acheter du cannabis dans les coffee-shops.

Qu'attend-on en France pour suivre ces bons exemples ?

Pierre Otchick.

1 Lire Le Monde Diplo de février 2014 p. 18 et 19.