11/05/2011
Terrible bilan de l’évolution des relations sociales dans l’entreprise
Journal d’un E.T. libertin : note de lecture
Entreprise et démocratie sociale : pour une nouvelle approche
par Jean-Louis Bianco, Charles Fiterman, Philippe-Michel Thibault, Michel Yahiel
Fondation Jean Jaurès, 48 pages, 6€.
« L’entreprise se porte mal, la démocratie sociale plus mal encore. »
Les auteurs expliquent que les évolutions qui se produisent au sein de l’entreprise se font au détriment du salarié. L’individualisation du travail et du dialogue contribue au reflux de l’action syndicale. Il s’opère alors un « dialogue fragmenté, tronqué et fragile » qui ne permet pas de mettre en œuvre les éléments d’une véritable démocratie sociale.
L’entreprise est donc à réinventer. Considérant la démocratie sociale comme un des éléments clés pour y parvenir, seize propositions sont formulées pour faire entrer la citoyenneté au sein de l’entreprise, par exemple l’inscription des nouvelles règles dans la constitution.
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10/05/2011
Soyez résolus à ne plus servir. La Boétie.
Journal d'un E.T. libertin : Note de lecture
Texte étonnement d'actualité en ces temps révolutionnaires.
Pauvres gens et misérables, peuples insensés, nations opiniâtres en votre mal et aveugles en votre bien, vous vous laissez enlever, sous vos propres yeux, le plus beau et le plus clair de votre revenu, piller vos champs, dévaster vos maisons et les dépouiller des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tout ce dégât, ces malheurs, cette ruine enfin, vous viennent, non pas des ennemis, mais bien certes de l’ennemi et de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, pour qui vous allez si courageusement à la guerre et pour la vanité duquel vos personnes y bravent à chaque instant la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus que vous, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il les innombrables argus [1] qui vous épient, si ce n’est de vos rangs ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les emprunte de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, que par vous-mêmes ? Comment oserait-il vous courir dessus, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire si vous n’étiez receleur du larron qui vous pille, complice du meurtrier qui vous tue, et traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos champs, pour qu’il les dévaste ; vous meublez et remplissez vos maisons afin qu’il puisse assouvir sa luxure ; vous nourrissez vos enfants, pour qu’il en fasse des soldats (trop heureux sont-ils encore !) pour qu’il les mène à la boucherie, qu’il les rende ministres de ses convoitises, les exécuteurs de ses vengeances. Vous vous usez à la peine, afin qu’il puisse se mignarder en ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez, afin qu’il soit plus fort, plus dur et qu’il vous tienne la bride plus courte : et de tant d’indignités, que les bêtes elles-mêmes ne sentiraient point ou n’endureraient pas, vous pourriez vous en délivrer, sans même tenter de le faire, mais seulement en essayant de le vouloir. Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. Je ne veux pas que vous le heurtiez, ni que vous l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse dont on dérobe la base, tomber de son propre poids et se briser.
[étienne de la Boétie, Le Discours de la servitude volontaire (1549)]
1 Argus, homme fabuleux à cent yeux, dit le dictionnaire : espion domestique.
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Oussama Ben Laden : Noam Chomsky réagit à sa mort
Il est de plus en plus clair que cette opération consistait en un assassinat prémédité qui viole de multiples façons les lois internationales. Il n'y a, semble-t-il, eu aucune tentative d'appréhender la victime non armée, comme, j’imagine, aurait été capable de le faire un commando de 80 membres face à pratiquement aucune résistance – sauf, selon eux, de la part de son épouse qui s'est précipitée vers eux. Dans les pays qui disent se conformer quelque peu aux lois, un suspect est censé être appréhendé, traduit en justice et bénéficier d'un procès équitable. Je souligne "suspects". En avril 2002, le directeur du FBI, Robert Mueller, informait la presse qu'après l'enquête la plus approfondie de l'histoire, le FBI n'avait pas trouvé grand chose, si ce n'est que, « selon lui » le complot avait été conçu en Afghanistan, mais mis sur pied dans les Emirats Arabes Unis et en Allemagne.
Ce qu'ils ne faisaient que croire en avril 2002, ils ne le savaient manifestement pas 8 mois plus tôt, quand Washington rejetait les offres timides des Taliban (à quel point elles étaient sérieuses, on ne sait pas puisqu'elles ont été rejetées d'emblée) d'extrader Ben Laden si on leur apportait des preuves - que, comme nous l'avons vite su, Washington n'avait pas. Et donc Obama mentait tout simplement quand il a dit, dans sa déclaration depuis la maison Blanche, qu'ils "avait rapidement appris que les attentats du 11/9 avaient été perpétrés par al Qaeda". Aucun renseignement sérieux n'a, depuis, été fourni. Il est beaucoup question des « aveux » de Ben Laden mais c'est un peu comme quand j'ai avoué avoir remporté le Marathon de Boston. Il s'est vanté d'avoir accompli quelque chose qu'il considérait comme un grand exploit.
On a également beaucoup parlé du fait que le Pakistan n'avait pas livré Ben Laden, alors que certains éléments de l'armée et des forces de sécurité étaient sans doute au courant de sa présence à Abbottabad. On a moins épilogué sur la colère des Pakistanais suscitée par l'invasion de leur territoire pas les Etats-Unis pour commettre un assassinat politique. L’anti-américanisme était déjà très répandu au Pakistan, or, ces évènements ne peuvent que l'exacerber. La décision de jeter le corps en pleine mer provoque déjà, comme on peut l'imaginer, à la fois la colère et le scepticisme dans pratiquement tout le monde musulman.
On pourrait se demander comment on réagirait si des commandos irakiens atterrissaient sur la résidence de George W. Bush, l'assassinaient et jetaient son corps dans l'Atlantique. Il est indéniable que ses crimes dépassent largement ceux de Ben Laden, et, dans son cas, il ne s’agit pas seulement de "soupçons" , mais, c'est, sans conteste, lui le "cerveau' qui a donné l'ordre de commettre "le crime international suprême qui ne diffère des autres crimes de guerre que parce qu'il comprend tous les maux que contiennent tous les autres " (citation tirée du Procès de Nuremberg) et pour lequel ont été pendus des criminels nazis: les centaines de milliers de morts, les millions de réfugiés, la destruction d'une grande partie du pays, les violences entre factions rivales se sont actuellement étendues à tout le reste de la région.
Il y aurait beaucoup à dire sur Orlando Bosch (le terroriste qui a fait sauter l'avion cubain), qui vient de s'éteindre paisiblement en Floride, et sur les mesures antiterroristes qui comprennent, entre autres, la "doctrine Bush ” selon laquelle les pays qui abritent des terroristes sont aussi coupables que les terroristes eux-mêmes et doivent être traités de la même façon. Personne n'a relevé que Bush en appelait à l'invasion et à la destruction des Etats-Unis, et à l'assassinat de son président criminel.
C’est comme pour le nom "Opération Geronimo". La mentalité de l'empire est tellement ancrée dans l'esprit de toute la société occidentale que personne ne réalise qu'ils encensent Ben Laden en l'identifiant à la résistance courageuse contre les envahisseurs génocidaires. C'est comme si on donnait à nos armes meurtrières le nom de victimes de nos crimes: Apache, Tomahawk … C’est comme si la Luftwaffe appelait ses avions de combats "juif" ou "tzigane".
Il y a encore beaucoup à dire sur tout ça, mais même les faits les plus évidents, les plus élémentaires doivent nous donner matière à réfléchir.
Noam Chomsky, professeur émérite au Massachussets Institute of Technology, chaire de Linguistiques et de Philosophie
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